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Le conseil réfléchit aux moyens de gérer les risques de sécurité liés au climat

CS/13417
11 JUILLET 2018

Comprendre et gérer les risques de sécurité liés au climat, c’est ce que le Conseil de sécurité s’est efforcé de faire aujourd’hui, avec l’aide de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, du Ministre iraquien des ressources hydriques, de la représentante du Forum international des populations autochtones sur les changements climatiques et du Président de Nauru.

L’impact des changements climatiques va bien au-delà de l’aspect strictement environnemental, a estimé d’emblée Mme Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, qui est revenue sur la visite qu’elle vient d’effectuer dans la région du lac Tchad. « Qu’est-ce qui a finalement été à l’origine du conflit? La disparition du lac est un des facteurs clefs », a-t-elle dit, en reprenant les propos du Secrétaire exécutif de la Commission du bassin du lac Tchad. Les changements climatiques sont un « multiplicateur de risques », a averti la Vice-Secrétaire générale.

La course aux ressources limitées, la destruction des infrastructures essentielles, l’interruption des services publics et le déplacement massif des populations sont un test pour la résilience des institutions et des structures de gouvernance, a acquiescé le Président de Nauru, au nom des 12 petits États insulaires en développement du Pacifique. En Iraq, l’absence d’accords bilatéraux et multilatéraux applicables à l’utilisation raisonnable et équitable de l’eau pointe déjà vers des conflits potentiels, a alerté le Ministre des ressources hydriques de l’Iraq, M. Hassan Janabi.

Lorsque la survie d’une communauté dépend de son accès à l’eau, les risques d’un conflit lié à cette ressource sont bien réels, a renchéri Mme Hindou Ibrahim, représentante du Forum international des peuples autochtones. Les jeunes, appauvris et marginalisés, n’ont plus que deux choix soit rejoindre les rangs d’un groupe terroriste ou essayer de traverser la Méditerranée vers l’Europe.

Il est temps que le Conseil de sécurité rattrape la réalité, s’est impatientée la Ministre suédoise des affaires étrangères et Présidente du Conseil pour le mois de juillet. Après sept ans de débats, il est temps, a insisté Mme Margot Wallström, que le Conseil approfondisse sa compréhension de la manière dont les changements climatiques interagissent avec les moteurs des conflits.

La Ministre a appelé le Conseil à améliorer ses outils, ses analyses et sa collecte d’informations pour mieux s’attaquer aux défis sécuritaires liés aux changements climatiques. Ce faisant, il faut tenir compte des pays qui sont en première ligne et apprendre de leur expérience et des meilleures pratiques. Il est désormais impératif que les Nations Unies comblent leur retard et prennent le leadership en facilitant et coordonnant les efforts mondiaux, avec l’aide des partenaires et parties prenantes régionaux.

Le Sommet sur les changements climatiques de septembre 2019, convoqué par le Secrétaire général, sera un moment crucial pour faire des progrès, a-t-elle espéré. En prévision, la Ministre a prôné la création d’une « maison institutionnelle » au sein des Nations Unies, de préférence sous la direction d’un représentant spécial. Surveiller les points de bascule potentiels du nexus climat-sécurité; faciliter la coopération régionale et transfrontalière sur les questions relatives au climat; lancer la diplomatie préventive; et soutenir des situations post conflit quand les changements climatiques sont un facteur de risque, sont autant de fonctions qu’un représentant spécial pourrait commencer à assumer, en coordination avec les autres entités pertinentes des Nations Unies, a précisé le Président de Nauru, insistant ainsi sur une proposition que les petits États insulaires en développement du Pacifique font depuis 2011. Nous devons embrasser tout l’éventail des autres acteurs, dont les autorités locales, le secteur privé et les ONG qui peuvent apporter leadership, innovation et argent, a ajouté la Vice-Secrétaire générale de l’ONU.

Mais le Conseil de sécurité est-il le cadre idéal pour parler de ces questions? Face à l’importance et à l’urgence des enjeux, la France a appelé les États Membres à dépasser « les arguties institutionnelles ». L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité doivent s’exprimer sur cet enjeu de paix et de sécurité « qui nous concerne tous », a-t-elle tranché. Qu’elles viennent d’une agression militaire ou d’un risque climatique, quand des menaces claires pèsent sur la sécurité et la survie des pays, le Conseil de sécurité doit réagir, a acquiescé l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), en prenant le contre-pied de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) qui a argué de l’incapacité du Conseil à agir face aux défis des changements climatiques, étant donné que la réaction ne peut être ni militaire ni basée sur des sanctions. Le Conseil examine-t-il la pollution de l’air ou des eaux que les opérations militaires et ses sanctions unilatérales entraînent? a ironisé la Fédération de Russie qui a vu dans les discussions d’aujourd’hui un moyen de servir des « intérêts politiques ». Le Président de Nuaru s’est voulu clair: La nomination d’un représentant spécial sur le climat et la sécurité ne doit en aucun cas élargir le mandat du Conseil de sécurité. Comme son titre l’implique, ce représentant spécial répondra au Secrétaire général. Ceci dit, a ajouté le Président, pour pouvoir prendre des décisions et exécuter son mandat de prévention des conflits et de maintien de la paix, le Conseil doit avoir de meilleures informations, analyses et mécanismes d’alerte rapide sur les risques de sécurité liés au climat.

Si vous voulez vraiment nous aider, a conclu la représentante du Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques, en parlant du Sahel, investissez plutôt dans le développement, aidez les petites organisations qui soutiennent les femmes et les enfants, cherchez avec nous des stratégies de développement adaptées, facilitez l’accès au financement en milieu rural et surtout ne perdez pas de vue que les changements climatiques sont avant tout une question de sécurité pour des millions de personnes.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Comprendre et gérer les risques de sécurité liés au climat

Déclarations

Cette année, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a confirmé que 2015, 2016 et 2017 ont été les années les plus chaudes que la planète ait jamais connues, a prévenu la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, M. AMINA J. MOHAMMED. La concentration de dioxyde de carbone continue d’augmenter, ce qui veut dire des risques aggravés de vagues de chaleur, d’inondations, de sécheresses et de feux de forêts, avec des conséquences « disproportionnées » pour les groupes socialement vulnérables et marginalisés.

L’impact des changements climatiques, a-t-elle prévenu, va bien au-delà de l’aspect strictement environnemental. Il n’est pas étonnant en effet que les pays les plus touchés soient aussi ceux qui sont les plus vulnérables aux conflits et à la fragilité. Cet impact sur la sécurité peut prendre différentes forces: pertes de moyens de subsistance, insécurité alimentaire et menaces sur les ressources naturelles, comme en témoigne le bassin du lac Tchad que la Vice-Secrétaire générale vient elle-même de visiter dans une mission conjointe avec l’Union africaine et la Ministre suédoise des affaires étrangères.

Le bassin, a-t-elle expliqué, vit une crise due à une conjugaison de facteurs politiques, socioéconomiques, humanitaires et environnementaux. Le lac Tchad a perdu plus de 90% de sa superficie depuis les années 1960, conduisant à une dégradation écologique, à la marginalisation socioéconomique et l’insécurité qui touchent 45 millions de personnes. L’on y voit une baisse de la résilience face aux crises humanitaires, le déclin des activités économiques, des pertes dans la production agricole et le manque d’opportunités d’emplois. Les jeunes, marginalisés, sont plus exposés au risque de la violence extrémiste et deviennent un terreau fertile pour des groupes comme Boko Haram.

La nature multidimensionnelle de la crise au nord-est du Nigéria, au Cameroun, au Tchad et au Niger, a poursuivi la Vice-Secrétaire générale, souligne la relation « complexe » entre changements climatiques et conflit. Nous devons, a-t-elle dit, appréhender les changements climatiques comme un des facteurs conduisant au conflit. Ce phénomène, a-t-elle prévenu, est un « multiplicateur de risques » et comme l’a dit le Secrétaire exécutif de la Commission du bassin du lac Tchad: « Qu’est-ce qui a finalement été à l’origine du conflit? La disparition du lac Tchad est un des facteurs clefs ». L’action contre les changements climatiques est donc une partie intégrante de la culture de la prévention et du maintien de la paix, a souligné la Vice-Secrétaire générale.

Les Nations Unies, a-t-elle affirmé, sont déterminées à mobiliser toutes leurs capacités pour comprendre et répondre aux risques sécuritaires liés au climat. L’ONU améliore ses stratégies d’évaluation et de gestion des risques et s’efforce de déployer des efforts mieux coordonnés entre toutes ses entités du système, comme l’explique le prochain rapport du Secrétaire général sur le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel et comme en témoigne la révision de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. Les Nations Unies aident aussi les États membres de la Commission du bassin du lac Tchad à mettre en œuvre leurs stratégie et programme de stabilisation, y compris le plan de développement pour la reconstitution du lac.

L’année prochaine, a indiqué la Vice-Secrétaire générale, le Secrétaire général entend convoquer en septembre un sommet sur le climat pour fortifier les ambitions autour de l’Accord de Paris. Quelle est notre tâche? a demandé Mme Mohammed. Contrôler les émissions de gaz à effet de serre pour maintenir l’augmentation de la température en deçà de 2 degrés Celsius et poursuivre les efforts pour la limiter à 1,5 degré. Il faut aussi suivre attentivement les risques liés au climat et appuyer les programmes qui placent les femmes au cœur des efforts car on sait que les changements climatiques les affectent de manière disproportionnée. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) s’y emploie déjà avec la distribution de filets de pêche plus solides pour augmenter les prises.

Nous devons aussi, a ajouté la Vice-Secrétaire générale, renforcer les capacités institutionnelles et les partenariats. Les organisations régionales ont un rôle à jouer, et l’Union africaine et l’Union européenne sont parmi celles qui développent des cadres contre le nexus climat-sécurité au Sahel. Nous devons également embrasser tout l’éventail d’autres acteurs, dont les autorités locales, le secteur privé et les ONG qui peuvent apporter leadership, innovation et argent.

M. HASSAN JANABI, Ministre des ressources hydriques de l’Iraq, a rappelé que le déclin des précipitations à travers le monde, et la mauvaise gestion des ressources en eau, exacerbent le problème de la rareté de l’eau, causant des déplacements massifs de population et des migrations forcées. Il s’est dit tout particulièrement préoccupé par les menaces qui pèsent sur les bassins des fleuves en Iraq et au Moyen-Orient, découlant directement des changements climatiques et de la rivalité autour des ressources hydriques. L’absence d’accords bilatéraux et multilatéraux applicables ou de cadres régionaux pour l’utilisation raisonnable et équitable de l’eau, de même que l’insuffisance du respect du droit international en vue de protéger les droits de tous les pays riverains, contribuent à des conflits potentiels, a analysé le Ministre.

Les effets conjugués des changements climatiques et des modes opérationnels des grands barrages ont conduit à la baisse de 50% du niveau de l’Euphrate au cours de ces 20 dernières années, modifié le cycle des saisons et favorisé la désertification, a-t-il rappelé. L’Égypte et l’Iraq ont été contraints de prendre cette année des mesures draconiennes pour répondre à la diminution de leurs ressources hydriques, en réduisant les terres cultivables et en interdisant la culture du riz et du maïs, récoltés en été, a expliqué M. Janabi. Il s’agit d’une mesure sans précédent dans l’histoire de notre pays, qui remet en cause des traditions économiques, sociales et culturelles profondément ancrées parmi les segments les plus fragiles de la population.

Il est donc juste que la communauté internationale intervienne pour renforcer la résilience des communautés, en soutenant des programmes d’adaptation aux changements climatiques, qui sont non seulement nécessaires, mais aussi moins coûteux que l’accueil des migrants, sans compter les tentatives vouées à l’échec de faire revenir ces migrants dans leur région d’origine, a estimé le Ministre. En prenant des mesures proactives et préventives, la communauté internationale peut éviter des tragédies humaines, la plupart de ces mesures étant d’ailleurs une obligation juridique pour les États parties à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, a-t-il relevé. Il a aussi fait référence à la grave détérioration de l’environnement dans le delta iraquien à l’embouchure du Golfe, la fameuse voie d’eau connue sous le nom de « Shatt al-arab », un écosystème millénaire qui a été affecté par la montée des eaux salées. Le même danger menace le delta du Nil, avec pour corollaire la chute de millions de personnes dans la pauvreté, a souligné le Ministre, en lançant en conclusion un plaidoyer en faveur de la « diplomatie de l’eau ».

Mme HINDOU IBRAHIM, Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques, a appelé les membres du Conseil de sécurité à s’attaquer sans plus tarder aux changements climatiques, en les considérant comme un véritable « risque sécuritaire ». Je suis, a-t-elle dit, la porte-parole des millions de personnes « humiliées » et condamnées à la pauvreté à cause de l’impact du dérèglement climatique facteur potentiel de conflit. Rappelant qu’au Sahel, 90% de l’économie repose sur l’agriculture et le pastoralisme, elle a insisté sur les conséquences dévastatrices de la sécheresse et des vagues de chaleur. Lorsque la survie d’une communauté dépend de son accès à l’eau, les risques d’un conflit lié à cette ressource est bien réel, a-t-elle prévenu, à son tour. « Il n’y a pas assez d’eau pour toute le monde, le fermier et l’éleveur, les villes, les campagnes ». Voilà pourquoi l’impact des changements climatiques peut pousser les gens à se battre pour leur survie.

Au niveau régional, l’oratrice a pointé du doigt une réalité où l’on voit les changements climatiques alimenter le terrorisme qui peut ainsi tirer parti de la pauvreté pour recruter les jeunes et les plus vulnérables. Au niveau international, les changements climatiques provoquent l’insécurité: si son emploi sur place ne lui permet pas de gagner assez pour subvenir aux besoins de sa famille, l’homme partira pour chercher ailleurs. Ses deux seuls choix possibles sont soit de rejoindre les rangs d’un groupe terroriste ou d’essayer de traverser la Méditerranée vers l’Europe. Soyons honnêtes, s’est impatientée l’oratrice, ces gens-là migrent déjà à cause des changements climatiques. Elle a donc demandé à la communauté internationale d’offrir aux jeunes du Tchad, du Mali, du Burkina Faso et du Niger « un autre avenir que l’émigration ».

Si vous voulez nous aider à rétablir la paix au Sahel, investissez dans le développement, aidez les petites organisations qui soutiennent les femmes et les enfants, cherchez avec nous des stratégies de développement adaptées, facilitez l’accès au financement en milieu rural et surtout ne perdez pas de vue que les changements climatiques sont avant tout une question de sécurité pour des millions de personnes.

La Ministre des affaires étrangères de la Suède, Mme MARGOT WALLSTRÖM, a rappelé avoir rencontré, la semaine dernière, des hommes et des femmes qui font face, au quotidien, aux conséquences que les changements climatiques ont sur la paix et la sécurité. Ces gens sont des migrants et des déplacés par la sécheresse et les inondations. Ce sont des chefs de famille qui ne peuvent plus nourrir les leurs parce que leurs moyens de subsistance traditionnels, que ce soit la pêche ou l’agriculture, se sont évaporés, ouvrant la voie aux tensions. La Ministre a aussi parlé de ces femmes leaders qui travaillent dans leur communauté pour empêcher que les jeunes ne soient victimes de la radicalisation des groupes qui ciblent les plus vulnérables.

Il est temps, s’est impatientée la Ministre, que le Conseil de sécurité rattrape la réalité. Après sept ans de débats, il est temps qu’il approfondisse sa compréhension de la manière dont les changements climatiques interagissent avec les moteurs des conflits. La Ministre a identifié cinq domaines et d’abord mieux comprendre les risques sur la sécurité liés au climat. Le Conseil doit aussi améliorer ses outils, ses analyses et sa collecte d’informations pour mieux s’attaquer aux défis sécuritaires liés aux changements climatiques et par exemple, en investissant dans des mesures d’alerte rapide.

Troisièmement, il faut créer une « maison institutionnelle » au sein des Nations Unies, de préférence sous la direction d’un représentant spécial qui aurait la responsabilité de rassembler toutes les informations des différentes entités mais aussi des acteurs extérieurs. La Suède va, par exemple, lancer un réseau du savoir sur la sécurité climatique dédié aux changements climatiques et la sécurité à Stockholm, au cours de cet été. Ce réseau, qui entend améliorer la compréhension collective sur ces questions, sera ouvert à l’ONU et d’autres acteurs qui auront ainsi accès à des analyses factuelles.

Quatrièmement, la Ministre suédoise a dit qu’en concevant notre réponse, nous devons tenir compte des pays qui sont en première ligne et apprendre de leur expérience et des meilleures pratiques. Elle a ainsi cité les cas du Népal ou du Soudan qui, avec le soutien de l’ONU, ont pris des mesures, dont des projets pilotes qui répertorient les risques de sécurité liés au climat, afin d’établir des mesures d’interventions et de planification visant à renforcer la résilience. Elle a aussi cité le Forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad établi l’an dernier, ou encore l’initiative de la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel que la Commission de l’Union africaine pilote. Mme Wallström a également rappelé que des organisations régionales telles que l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE), tout comme les petits États insulaires en développement du Pacifique, l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) et la Communauté des Caraïbes (CARICOM) apportent déjà une dynamique à la réponse internationale sur les risques de sécurité liés au climat. Il est désormais impératif que les Nations Unies comblent leur retard et prennent le leadership en facilitant et coordonnant les efforts mondiaux, avec l’aide des partenaires et parties prenantes régionaux. Le Sommet sur les changements climatiques de septembre 2019, convoqué par le Secrétaire général, sera un moment crucial pour faire des progrès, a-t-elle espéré.

M. EUGENE RHUGGENAATH, Premier Ministre de Curaçao (Pays-Bas) a expliqué qu’en tant que petit État insulaire en développement, Curaçao peut témoigner du lien indéniable entre changements climatiques et sécurité. Le dérèglement climatique menace la stabilité sociale et peut mener à des mouvements de population et donc à des tensions régionales. Lorsque les changements climatiques menacent la stabilité internationale, le Conseil de sécurité a la responsabilité d’agir, a-t-il souligné.

Nous doutions-nous, il y a 15 ans, qu’en 2018, des millions de personnes autour du lac Tchad auraient besoin d’une aide d’urgence pour survivre? a demandé le Premier Ministre qui a également parlé de la Somalie et des petits États insulaires en développement. Nous ne pouvons pas changer le cours de l’histoire, mais nous pouvons changer la manière dont nous en tirons les leçons. Le Premier Ministre a appelé à des réponses rapides aux signes avant-coureurs des risques climatiques. Il faut s’attaquer aux causes profondes des changements climatiques et prévenir l’instabilité et les conflits.

Se félicitant de ce que le Conseil de sécurité ait reconnu les risques de sécurité liés au climat, notamment dans sa résolution 2349 (2017) sur le bassin du lac Tchad, le Premier Ministre s’est aussi réjoui que le Conseil commence à prouver « sa réactivité ». Le Conseil doit assurer des actions appropriées au niveau des Nations Unies, à New York et sur le terrain, dans les pays affectés. Cela suppose que les Nations Unies aient les capacités adéquates, à commencer les capacités d’analyse pour évaluer les risques et lancer rapidement des alertes. Il faut également de meilleures capacités de gestion des risques, ce qui passe par une programmation efficace des efforts de prévention, de stabilisation et de développement tenant compte du lien entre climat et conflit. L’ONU doit avoir une « maison institutionnelle » sur ces questions, a estimé, à son tour, le représentant. La « maison » serait en charge de la coopération et de la coordination de toutes les entités du système des Nations Unies. Pour leur part, les Pays-Bas accueillent la Conférence annuelle sur la sécurité de la planète et invitent toutes les parties intéressées à faire le meilleur usage possible de cette plateforme pour explorer les solutions aux défis climatiques que rencontrent le Mali, l’Iraq, la région du lac Tchad et les petits États insulaires en développement des Caraïbes.

M. YERZHAN ASHIBAYEV, Vice-Ministre des affaires étrangères du Kazakhstan, a estimé que les menaces sécuritaires relatives aux changements climatiques doivent être envisagées dans le cadre d’une diplomatie climatique et des efforts de prévention de l’ONU. Une telle prévention doit prendre la forme d’une action en temps opportun pour renforcer la résilience par des mesures d’atténuation et d’adaptation, dans le cadre de la coopération internationale. Rappelant que la problématique des changements climatiques est une priorité de son pays, le Vice-Ministre a affirmé que le Kazakhstan, déterminé à honorer l’Accord de Paris, a pris des mesures pour réduire sa propre dépendance aux énergies fossiles d’ici à 2030, et la remplacer par des énergies renouvelables d’ici à 2050. En outre, de juin à septembre 2017, Astana a accueilli EXPO 2017 sur le thème des « Énergies futures », qui a permis de partager les pratiques optimales dans le domaine des énergies renouvelables et aider les pays en développement, a ajouté M. Ashibayev.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a promis que son pays va travailler avec les autres pour que l’ONU trouve des solutions aux problèmes sécuritaires liés aux changements climatiques car le lien climat-sécurité n’a rien d’abstrait. Les migrations, causées par les effets négatifs des changements climatiques, ont des répercussions sur tous les pays. Selon la Banque mondiale, a fait observer la représentante, les changements climatiques risquent d’annihiler les progrès économiques du siècle dernier, posant les risques de conflits et d’insécurité. Le Royaume-Uni a donc déboursé pas moins de 7,7 milliards de dollars pour financer des mesures d’adaptation et d’atténuation dans le monde. Le pays entend collaborer avec l’Inde, la Chine et les États-Unis sur la question des risques de sécurité liés au climat.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a jugé très important de comprendre que les changements socioéconomiques profonds provoqués par les changements climatiques sont à l’origine de crises humanitaires et des conflits. Ils relèvent donc bien du mandat du Conseil de sécurité. Ce dernier doit renforcer sa coordination avec le système des Nations Unies, et notamment avec les organes et les agences qui travaillent sur les changements climatiques. Le Pérou est particulièrement vulnérable aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles, a rappelé le représentant. La fonte des glaciers tropicaux andins et les inondations provoquent insécurité alimentaire et émigrations, avec les défis que l’on sait sur la paix et la sécurité nationales. Le représentant a plaidé pour une action multilatérale.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a estimé qu’il est tout à fait naturel que le Conseil de sécurité examine des questions relatives aux catastrophes naturelles et autres phénomènes qui ont des répercussions sur les populations. « Nous sommes tous du même côté et faisons le choix de la résilience », a souligné le représentant, en ajoutant que son pays, qui est l’un des centres des innovations, apporte son assistance partout dans le monde. Il a décrit des projets visant à rétablir l’accès à l’eau et à l’électricité dans des communautés iraquiennes libérées de Daech. Les États-Unis, a-t-il précisé, ont déboursé pas moins de 265 millions de dollars depuis 2014 pour le programme de reconstruction de l’Iraq mis en œuvre par le PNUD. Le représentant a aussi parlé des projets menés avec d’autres gouvernements comme ceux des Pays-Bas et de la Suède. Les États-Unis, a-t-il conclu, sont préoccupés par la situation du bassin du lac Tchad et par les défis particuliers que doivent relever les petits États insulaires en développement (PEID).

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a souligné que, même si les évènements climatiques extrêmes sont souvent les plus visibles, d’autres phénomènes aux effets moins immédiats, tels que la sècheresse, la salinisation des sols ou la montée des eaux, contribuent à la dégradation des terres, à l’érosion côtière ou à la baisse des ressources en eau. Ces impacts négatifs sur les ressources naturelles, dans le contexte de populations et d’économies vulnérables, peuvent générer ou réactiver des conflits entre communautés, provoquer des déplacements de population et menacer, à terme, la paix et la sécurité internationales. C’est une réalité vécue durement dans de nombreuses régions du monde, du Sahel au Moyen-Orient, a constaté M. Delattre avant de tirer la sonnette d’alarme en affirmant que l’impact du dérèglement climatique menace aussi de nombreuses autres régions, aujourd’hui stables.

Face à l’importance et à l’urgence des enjeux, la France appelle les États Membres à dépasser « les arguties institutionnelles ». L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité doivent s’exprimer sur cet enjeu de paix et de sécurité qui nous concerne tous. Le représentant a saisi cette occasion pour « rassurer tout le monde »: indépendamment du fait que cette question soit discutée à l’ONU, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris ne seront pas remis en cause et restent le cadre multilatéral de référence. M. Delattre a rappelé à tous ceux qui sont concernés que la priorité est de ratifier l’Accord de Paris et « qu’il nous reste collectivement à adopter les règles d’application de cet Accord en décembre prochain sous la présidence polonaise de la COP24 ». Pour lui, il s’agit là d’une condition essentielle pour maintenir la dynamique positive qui s’est ouverte à Paris en 2015 et pour tenir l’engagement collectif de contenir l’élévation de la température moyenne en dessous de 2 degrés Celsius et si possible de 1,5 degrés Celsius.

M. Delattre a également expliqué que le fait de parler de l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité internationales s’inscrit en fait dans une démarche préventive des conflits. Il a appelé à mettre en place une véritable diplomatie préventive dans ce domaine et a soutenu « avec force » la vision et l’ambition du Secrétaire général sur la prévention des conflits et le continuum de paix qui doit pleinement intégrer des facteurs de déstabilisation, y compris ceux liés aux changements climatiques et à l’effondrement de la biodiversité.

S’agissant des moyens à mettre en œuvre pour que les Nations Unies disposent de solides capacités d’analyse des risques climatiques, pour chaque région du monde, il a dit qu’il faut passer « à l’étape suivante » et formuler des recommandations aux gouvernements nationaux, aux agences des Nations Unies et aux organisations régionales, pour prévenir les effets des changements climatiques sur la sécurité et protéger et restaurer la biodiversité. La France part du principe que l’ensemble du système des Nations Unies doit être mobilisé sur ces enjeux. Elle se tient prête, aux côtés de l’ONU, à construire une diplomatie multilatérale du XXIe siècle qui intègre pleinement les impacts des changements climatiques dans une démarche de prévention des conflits.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a rappelé que son pays est une « figure de proue » de la lutte contre les changements climatiques, grâce à l’utilisation de « technologies de pointe ». Mais force est de constater que la réunion d’aujourd’hui nous préoccupe, a-t-il avoué, dans la mesure où elle constitue une tentative supplémentaire de créer des liens « abstraits » entre la problématique environnementale et la paix et la sécurité internationales. On tente d’imputer aux changements climatiques la détérioration de situations porteuses d’un conflit, a-t-il résumé. Or, le Conseil de sécurité n’a ni l’expertise ni les moyens de relever le défi des changements climatiques, a tranché le représentant, en rappelant que chaque État a la responsabilité de définir ses propres mesures, dans le respect des instruments juridiquement contraignants en vigueur.

Pour justifier l’introduction de cette question à l’ordre du jour du Conseil, s’est étonné le représentant, on présente les changements climatiques comme un « multiplicateur » de conflits. Pourquoi alors passer sous silence les conséquences des opérations militaires menées dans plusieurs théâtres de conflit, par exemple les bombardements de l’OTAN sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, qui ont pollué l’air, ont eu une incidence sur le taux de prévalence des cancers et la santé reproductive. En outre, « la présence illégale, qui perdure, des forces de la coalition occidentale sur le territoire de la Syrie » ne fait que ralentir les efforts du Gouvernement syrien pour venir en aide à sa population. Qu’il s’agisse des opérations militaires ou des sanctions unilatérales, la pollution de l’air ou des eaux qu’elles entraînent devraient tout aussi bien être examinées au Conseil de sécurité. Les discussions d’aujourd’hui ne servent que des « intérêts politiques », a affirmé le représentant, qui s’est opposé à l’introduction de thématiques transversales.

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a déploré le fait que les pays en développement, qui ont le moins contribué au réchauffement de la planète, soient aujourd’hui ceux qui en payent le prix fort, alors que certains pays industrialisés refusent d’assumer leur responsabilité. La représentante s’est attardée sur le phénomène des migrants climatiques qui pourrait conduire à de nouveaux conflits. Elle a néanmoins estimé que le Conseil de sécurité n’est pas l’organe approprié pour traiter de ces questions et pour faire face à cette situation « délicate et sensible », il est impérieux d’examiner ses causes profondes. Notre modèle de civilisation, s’est expliquée la représentante, consacre la concentration des richesses dans les mains d’une minorité qui recours à des moyens militaires pour s’approprier les ressources naturelles des plus faibles. La Bolivie insiste sur le principe des responsabilités communes mais différenciées et sur le transfert des technologies pour booster les mesures d’atténuation et d’adaptation.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé que les changements climatiques sont l’une des principales menaces qui pèsent sur la communauté internationale. Il a alerté du risque de voir des populations dont les moyens de subsistance sont affectés par la sécheresse s’affronter pour le monopole de ressources hydriques en voie de raréfaction. Selon le représentant, il est donc indispensable de progresser dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris, condition sine qua non pour réduire les risques du réchauffement planétaire. L’Assemblée générale et le Conseil économique et social (ECOSOC) devraient continuer de jouer leur rôle de « chefs de file » pour formuler des stratégies et délibérer sur les questions relatives aux changements climatiques, a relevé le représentant, avant d’attirer l’attention sur les initiatives des organisations sous-régionales.

M. MA ZHAOXU (Chine) a invité à la coopération internationale pour faire face aux défis climatiques. Il a donc plaidé pour une assistance aux pays en développement, notamment par le transfert de technologies et le renforcement des capacités. La communauté internationale doit également garantir l’égalité et la justice et s’assurer que les règles internationales soient respectées par tous. C’est pourquoi la Chine invite tous les États à respecter les accords climatiques, notamment l’Accord de Paris qui doit être mis en œuvre en tenant compte des besoins des pays en développement, conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées. La Chine suggère que les pays s’engagent en faveur du développement durable, pour atténuer les risques de sécurité liés au climat. La Chine est disposée à poursuivre son soutien aux autres pays du Sud, a affirmé le représentant.

M. ILAHIRI ALCIDE DJÉDJÉ (Côte d’Ivoire) a reconnu la prise de conscience et l’engagement du Conseil de sécurité, depuis 2007, à trouver des solutions durables aux impacts des changements climatiques sur la paix et la sécurité mondiales. La situation du lac Tchad, dont dépendent environ 20 millions de personnes, est à elle seule emblématique des effets dévastateurs des pénuries environnementales sur la paix et la stabilité, a-t-il remarqué, expliquant que la baisse des ressources hydriques et halieutiques du lac représente un facteur de tensions, voire de recrudescence de l’activité Djihadiste.

La Côte d’Ivoire, pays essentiellement agricole, n’échappe pas à la réduction à grande échelle de sa couverture forestière, liée en grande partie à la fois à l’activité humaine et à une baisse de la pluviométrie, elle-même induite par les changements climatiques, a précisé son représentant. En effet, on est passé de 16 millions d’hectares de forêts en 1950 à moins de 3,4 millions d’hectares en 2015.

Ce phénomène inquiétant, que connaissent également d’autres pays d’Afrique subsaharienne, constitue, avec la désertification, la raréfaction des terres arables et les pénuries d’eau imputables aux épisodes de sécheresse, des facteurs d’instabilité dans des régions où l’accès et le contrôle des ressources sont devenus des enjeux sociopolitiques générateurs de conflits, qui prennent parfois des tournures identitaires et religieuses dramatiques. À ce titre, il a rappelé l’implantation de Boko Haram et d’autres réseaux criminels transnationaux dans le bassin du lac Tchad et a expliqué le potentiel de radicalisation d’une frange de la jeunesse par le chômage et la pauvreté. Le représentant a également constaté la résurgence de mouvements autonomistes au Sahel, autre région frappée par les changements climatiques.

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine, préoccupé par les défis sécuritaires liés aux changements climatiques, a d’ailleurs organisé le 21 mai à Addis Abeba, une séance publique consacrée au lien entre les changements climatiques et les conflits en Afrique et la réponse aux implications sécuritaires, a rappelé M. Djédjé dont la délégation souscrit aux recommandations issues de cette rencontre. Ces dernières insistent sur la nécessité de renforcer la résilience des États africains face aux changements climatiques, ainsi que leur prise en compte dans les stratégies nationales et régionales de prévention des conflits.

Le représentant a saisi cette occasion pour appeler l’attention du Conseil sur l’existence en Afrique de nombreuses initiatives, fondées sur l’engagement des États à s’approprier leur sécurité collective, dans des cadres multilatéraux privilégiant une approche préventive, par le dialogue et le règlement pacifique des différends liés à la gestion des ressources naturelles et au climat.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a estimé que jamais Boko Haram n’aurait pu s’enraciner dans le bassin du lac Tchad sans la sècheresse et la désertification qui ont durement touché cette sous-région. À l’évidence, la paix et la sécurité internationales sont menacées par les changements climatiques, a-t-il estimé, en faisant part de ses préoccupations quant aux affrontements provoqués par la volonté des parties concernées de s’approprier des ressources limitées. Aussi, la question climatique devrait-elle être prise en compte dans tous les rapports du Secrétaire général au Conseil de sécurité, a préconisé le représentant, qui a dit attendre de meilleures analyses et informations

Mme MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a appelé le Conseil à mieux évaluer les risques sécuritaires liés au climat en vue d’œuvrer à une prévention des conflits. À cette fin, le Conseil devrait notamment avoir des informations pertinentes et précises et se doter d’un mécanisme d’alerte précoce. On ne saurait surestimer le rôle crucial de statistiques précises sur les risques liés aux changements climatiques, a-t-elle dit, voyant là un élément essentiel de prévention des conflits. Elle a souhaité des discussions régulières au Conseil, dont elle a souligné le rôle complémentaire par rapport à l’Assemblée générale. C’est une position que nous cesserons de défendre, a-t-elle dit. La représentante a rappelé que son pays va, cette année, assurer la Présidence de la vingt-quatrième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 24). Nous garderons à l’esprit que les questions sécuritaires liées au climat constituent des menaces « fondamentales » pour les petits États insulaires en développement (PIED) et les pays les moins avancés (PMA), a-t-elle conclu.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que même si le Conseil de sécurité n’est pas l’instance la plus appropriée pour débattre des changements climatiques, un phénomène aux multiples ramifications, il est tout de même important que cet organe, comme les autres organes du système onusien, examine les liens entre ce phénomène et son mandat. Pour le Koweït, il est important que les défis des changements climatiques soient abordés dans le respect du principe des responsabilités communes mais différenciées, lequel est consacré dans de nombreux accords multilatéraux comme l’Accord de Paris. Une action internationale solidaire est la clef pour faire face à ce défi, a relevé le représentant, en invitant les pays industrialisés à respecter leur engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il a aussi rappelé que les efforts internationaux auxquels le Koweït participe activement doivent tenir compte des spécificités de chaque pays.

Au nom des 12 petits États insulaires en développement du Pacifique, M. BARON D WAQA, Président de Nauru, a d’emblée prévenu: Accord de Paris ou pas, les changements climatiques ne s’arrêteront pas et, de notre vivant, nous ne reviendrons jamais à un climat « normal ». La situation, s’est-il résigné, continuera de se détériorer pendant des décennies, que les objectifs mondiaux soient atteints ou pas. Les manifestations extrêmes vont gagner en fréquence et en ampleur et nous devons très sérieusement faire attention à ce que le potentiel des changements climatiques abruptes ne dépasse pas le seuil critique. Nous ne savons toujours pas, a prévenu le Président, comment nos systèmes humains seront affectés par ces facteurs « nouveaux et sans précédent ». Certaines des plus grandes menaces ne tiendront peut-être pas à l’impact biophysique des changements climatiques mais plutôt à notre échec à y répondre. La course aux ressources limitée, la destruction des infrastructures essentielles, l’interruption des services publics et le déplacement massif des populations seront un test pour la résilience de nos institutions et nos structures de gouvernance, a encore alerté le Président.

Les changements climatiques seront « la » question du siècle prochain et nous y sommes très peu préparés. Le Président a donc réitéré son appel à la nomination d’un représentant spécial sur le climat et la sécurité qui comblerait un vide dans le système des Nations Unies et fournirait au Conseil les informations dont il a besoin pour s’acquitter de son mandat. Surveiller les points de bascule potentiels du nexus climat-sécurité; faciliter la coopération régionale et transfrontalière sur les questions relatives au climat; lancer la diplomatie préventive; et soutenir des situations post conflit quand les changements climatiques sont un facteur de risque, sont autant de fonctions que le représentant spécial pourrait commencer à assumer, en coordination avec les autres entités pertinentes des Nations Unies, a précisé le Président, insistant ainsi sur une proposition que les petits États insulaires en développement du Pacifique font depuis 2011.

La nomination du représentant spécial ne doit en aucun cas élargir le mandat du Conseil de sécurité. Comme son titre l’implique, ce représentant spécial répondra au Secrétaire général. Ceci dit, a ajouté le Président, pour pouvoir prendre des décisions informations et exécuter son mandat de prévention des conflits et de maintien de la paix, le Conseil doit avoir de meilleures informations, analyses et mécanismes d’alerte rapide sur les risques de sécurité lié au climat. En sept ans, le Conseil a pris des mesures « timides » qui naturellement ne suffisent pas. C’est la raison pour laquelle, a conclu le Président, il faut un représentant spécial sur le climat et la sécurité.

Au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), M. ALI NASEER MOHAMED (Maldives) s’est demandé: le Conseil de sécurité doit-il débattre des changements climatiques? Cette question, a-t-il répondu, n’a pas lieu d’être. Demandons-nous plutôt si le Conseil de sécurité doit agir quand les activités humaines conduisent à la destruction des îles, des villes, et, bien entendu, de la vie des nations. L’Alliance salue donc ce débat et souligne que les questions d’atténuation et d’adaptation, de transfert de technologies, entre autres, relèvent de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC). Mais quand existent des menaces claires à la sécurité et à la survie des pays, qu’elles viennent d’un risque climatique ou d’une agression militaire, le Conseil de sécurité doit réagir.

Alors que la saison des ouragans s’annonce, un certain nombre de petits États insulaires en développement (PEID) sont toujours confrontés aux conséquences de la dernière saison qui a déraciné des communautés entières. Les changements climatiques ne sont pas un thème de l’avenir. Le danger est bien présent et le potentiel qu’il devienne une force déstabilisatrice sur les plans national et régional est bien réel. Le représentant a plaidé pour plus de ressources aux mesures d’adaptation, appelant aussi à l’établissement d’un mécanisme international chargé de gérer les dommages et les pertes que subissent les pays. Il a voulu que le système des Nations Unies appréhende mieux les risques de sécurité liés au climat, voulant que le Conseil de sécurité évite l’« erreur historique » d’ignorer les menaces à la paix et la sécurité internationales que fait peser le climat. Les effets dévastateurs des phénomènes climatiques continueront de sévir, tant que l’on n’identifiera pas quelle agence de l’ONU est la mieux armée pour y répondre.

Au nom des 14 États Membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago) a souligné qu’il existe bien une menace à la paix et à la sécurité internationales, laquelle ne peut rester sans réponse. Toutefois la structure actuelle du Conseil de sécurité ne peut répondre aux changements climatiques car la réponse ne peut être militaire ou basée sur des sanctions. Tout en saluant le Conseil pour avoir soulevé la problématique du dérèglement climatique et de ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales, la représentante a exigé que ce thème reste dans le cadre exclusif de la Convention pertinente des Nations.

Elle n’a pas oublié de mettre l’accent sur le poids « disproportionnel » que supportent les petits États insulaires en développement. La menace des changements climatiques, dont la montée du niveau de la mer, exige une réponse préemptive qui comprenne à la fois l’évaluation des risques, la planification et des financements adéquats, a estimé Mme Beckles qui n’a pas hésité à rappeler que la saison des ouragans en 2017 a rendu Antigua-et-Barbuda « totalement inhabitable » et a fait reculer de plusieurs décennies le développement de la Dominique.

Les chefs d’État de la CARICOM ont adopté une Déclaration sur les changements climatiques lors de la réunion qu’ils ont tenue, du 6 au 8 juillet, en Jamaïque, dans laquelle ils demandent un effort mondial pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ils appellent aussi la communauté internationale à venir en aide aux Caraïbes et à soutenir leurs efforts pour renforcer la résilience face au dérèglement climatique.

Au nom du Groupe des États arabes, M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) a estimé que les rôles de l’Assemblée générale et de l’ECOSOC ne doivent pas être ignorés dans la réponse aux défis des changements climatiques. Évitons les doublons, s’est impatienté le représentant. Le réchauffement de la planète, a-t-il néanmoins poursuivi, exacerbe les tensions et constitue indubitablement un facteur de conflit, avec des répercussions sur des populations contraintes à la fuite devant la raréfaction des ressources hydriques et naturelles, les vagues de chaleur ou encore la désertification. Le Soudan est lui-même touché de plein fouet par ce phénomène, a souligné le représentant, en rappelant la responsabilité « historique » des pays développés. Parmi les problèmes les plus graves auxquels le Groupe arabe est confronté, il a cité l’absence de coordination de l’assistance à la mise en œuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation.